dimanche 27 avril 2014

Les usagés révoltés de l'eau



Vendredi 25 avril, un nouveau collectif a tenu sa première réunion publique au Raizet : le COLLECTIF DES USAGÉS RÉVOLTÉS DE L’EAU. Comptant déjà en son sein des organisations comme Combat Ouvrier, l’IMPEK, les Iréduktibles ou la CTU et de simples citoyens, toutes les associations, syndicats, partis politiques et individus de bonne volonté qui ne l’ont pas encore fait sont invités à les rejoindre.
logo de la page facebook : Les usagers révoltés de l'eau
 Le jeune collectif s’est fait connaître par une opération symbolique coup de poing qui l’a conduit jeudi matin à occuper brièvement les locaux du Syndicat Intercommunal d'Alimentation en Eau et d’Assainissement de la Guadeloupe, le SIAEAG, épinglé récemment par la Cour des Comptes pour ses dépenses somptuaires(1).

Les intervenants du Raizet ont déploré des pratiques anormales comme les coupures intempestives, les prix parfois exorbitants, l’absence de transparence des analyses effectuées sur la qualité de l’eau du robinet (considérée par une bonne partie de la population comme vecteur de cancer, notamment en raison de l’usage intensif de pesticides sur l’archipel) ou la facturation de services comme le traitement des eaux usagées y-compris pour ceux qui n’y sont pas raccordés. 

 Réunion au Raizet - © Valery Djondo

D’ores et déjà, des revendications se dessinent :
-         Un prix unique et acceptable pour l’eau sur tout le territoire de la Guadeloupe.
-         La réduction du nombre de syndics de l'eau (12 rien qu'en Guadeloupe).
-         La réfection du réseau de tuyaux en moins d'un an.

 Combat Ouvrier met les points sur les i
Tous ceux qui se sentent concernés par les abus sur la question de l’eau sont conviés à un rassemblement qui se tiendra le mardi 29 avril à 9h00, à la Résidence Départementale, à côté du fort Fleur d’Epée, où le Conseil Général organise une réunion sur la thématique de l’eau. 

 Max Celeste de CO prend la parole - © Patrice Ganot

Valéry Djondo et FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)



Procès Ruddy Alexis à Paris - 7ème jour : mon témoignage



« Je le jure »



Cela fait environ une heure que je patiente dans la petite salle réservée aux témoins quand on vient me chercher. « Monsieur Gircour, c’est à vous. » Une petite porte me conduit directement dans la salle d’audience et pour la deuxième fois de ma vie, je rejoins la barre, faisant face au président entouré de ses deux assesseurs - deux jeunes femmes – et des jurés. Le public est derrière moi.

« - Jurez-vous de dire toute la vérité et rien que la vérité ? Levez la main droite et dites je le jure

-         Je le jure.»

Avant de m’interroger, on me donne la parole, comme il est d’usage. Tous les regards sont braqués sur moi, je prends ma respiration. La difficulté dans ce genre d’exercice, outre le fait de gérer l’importante pression liée aux enjeux du procès, réside avant tout dans le fait qu’il est interdit de se reposer sur la moindre note. Il faut faire entièrement confiance à sa mémoire, ne pas s’écarter du schéma qu’on a minutieusement préparé au risque de perdre le fil de ses idées et d’oublier des pans entiers de son intervention. Je commence par me présenter comme enseignant, co-auteur d’un ouvrage paru aux éditions Syllepse sur le mouvement social de 2009, dans lequel je consacre un chapitre entier à cette affaire, journaliste à mes heures, puisque je collabore avec certaines publications dans l'hexagone. 



J'explique aussi succinctement comment j'ai chroniqué pour mon blog le mouvement de 2009 depuis le premier jour. Pour cette cour qui ne compte aucun Antillais, j’ai choisi de commencer par poser le contexte et donc par retracer la dynamique de ces 44 jours.





Les 44 jours



Je reviens sommairement sur les deux principaux axes d’action du LKP : les manifestations dans une ambiance festive pendant quasiment un mois d’un côté et de l’autre les fermetures d’entreprises, sur la zone commerciale de Jarry notamment, moins festives et plus autoritaires. Je souligne que dans un cas comme dans l’autre, en dépit d’une situation sociale hautement explosive, aucune violence n’a été à déplorer entre le début du mouvement le 20 janvier et l'irruption des violences policières du 16 février sur lesquelles je reviendrai. J’ai personnellement pu constater sur le terrain, tant de la part de la police que de celle du LKP, une volonté manifeste pour éviter les violences, tout au long des quatre premières semaines de grève.

Je reviens ensuite rapidement sur la gestion du conflit social par l’Etat en rappelant particulièrement :

-         Le protocole de négociation mis en place par le préfet Nicolas Desforges, alors plus haute autorité de l'Etat sur l'archipel qui sera désavoué par Yves Jégo, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer qui a mis tant de temps à arriver ;

-         La fuite à l’anglaise du même Jégo qu’on attendait le 8 février pour finaliser un accord de fin de conflit et qui, à l’heure du rendez-vous, embarquait discrètement dans un avion pour Paris ;

-         Le silence de Nicolas Sarkozy qui ne s’exprimera qu’après la mort de Jacques Bino notamment pour dire qu’on avait « évité le pire » (sic), etc.


Caricature d'Yves Jégo - Montage trouvé sur le Hufftington post

La responsabilité du Medef



La logique du pourrissement orchestrée par l’Etat, était conduite main dans la main avec le grand patronat local, représenté à la table des négociations par le responsable du Medef local, Willy Angèle. Celui-ci a délibérément bloqué les négociations en s’opposant formellement à la question devenue centrale des 200 euros. Or, les statuts du Medef, comme on le découvrira ultérieurement, ne lui permettaient pas de se prononcer sur cette question, détail qu’il ne pouvait ignorer. 

 Willy Angèle en 2009 - © Christophe Bertolin/IP3

Il s’agissait là de poser la question de la responsabilité du syndicat patronal dans le pourrissement d’une situation qui a conduit au tragique épisode que l’on sait, mais le Medef trouve un avocat zélé en la personne du président de Jorna, puisqu’aussitôt que j’évoque cette organisation, il m’interrompt pour me prier d’abréger. « Soyez plus cursif » ajoute Philippe Courroye. J’abrège donc et ne m’étend pas non plus sur les motivations du LKP à ce qu’il n’y ait aucun débordement.





L’origine des violences



J’en viens alors directement au matin du 16 février, moins de 48 heures avant l’exécution de Jacques Bino. Ce matin-là, un barrage est dressé au Gosier, sur la nationale 4 au niveau du pont de Poucet. Un homme s’y présente à l’aube, au volant de sa voiture. Il invective les grévistes sur le barrage et les somme dans des termes peu courtois de dégager. Les esprits s’échauffent un peu mais il y a des cadres syndicaux sur ce barrage et personne ne bouge en dépit des provocations matinales de l’individu. Contre toute attente, l’énergumène au lieu de faire demi-tour, abandonne sa voiture et tourne les talons, s’éloignant à pied. La voiture aussitôt retournée vient grossir le barrage. Moins d’une demi-heure après, c’est ce même individu qui dirige l’intervention des forces dites de l’ordre délogeant le barrage avec moultes violences policières.

L’homme s’était présenté en civil et à aucun moment n’a fait état de son statut de policier. Il sera confondu par une photo que j’ai publiée sur Chien Créole où il apparaît en uniforme au côté du procureur de l’époque, Jean-Michel Prêtre. 

Jean-Michel Prêtre et Christophe Gabillard - ©Frédéric Gircour

Une des personnes présentes sur le barrage est catégorique : c’est bien le même homme. Je corrobore ce témoignage avec ceux d’autres personnes présentes ce jour-là. Toutes sont unanimes, c’est bien lui.





Le super-flic



Une petite enquête me permet de lever le voile sur l’identité de cet homme de l’ombre. Il s’agit d’une sorte de super-flic, un certain Christophe Gabillard qui s’est forgé une réputation de tombeur d’indépendantistes lors de sa précédente affectation en Corse (on sait le rôle qu’un syndicat indépendantiste, l’UGTG, a lui-même joué au sein du LKP). Alors affecté à la brigade financière de la PJ, c’est lui qui a fait tomber Charles Piéri, célèbre dirigeant indépendantiste corse, qui plus est lié au grand banditisme de l’île de beauté.

« Mais d’ailleurs, Monsieur l’avocat général, si je ne m’abuse, vous connaissez très bien le commandant Gabillard, puisque le juge qui a fait condamner Charles Piéri à cette occasion, c’était vous. Je me trompe ? » interroge-je Philippe Courroye.

Le président me reprend : « Ce n’est pas à vous de poser les questions, M. Gircour, vous ne devez pas vous adresser aux parties. »

N’empêche, Philippe Courroye sans doute nostalgique de l’époque où il était à la place qu’occupe aujourd’hui le président de Jorna m’a déjà répondu d’un hochement de tête avec un petit sourire satisfait de lui-même. Je continue sur cette voie.


Manipulations policières


« Et il lui a fallu un certain courage à Christophe Gabillard, en Corse, car son appartement a été plastiqué, son commissariat a même fait l’objet de  tirs de roquette. Il lui aura fallu en Guadeloupe aussi un courage certain pour se lancer seul, même si ses hommes n’étaient sans doute pas loin, face aux manifestants pour se livrer à une provocation qui aurait pu lui valoir une pluie de coups. On parle donc d’un homme courageux mais qui n’a pas hésité à se livrer à une manipulation policière pour déclencher les violences qui allaient culminer avec la mort de Jacques Bino. » 
 
Christophe Gabillard - ©Frédéric Gircour


J’abats mon dernier atout concernant Christophe Gabillard en soulignant presque incidemment qu’en sa qualité de Directeur interrégional adjoint de la Police Judiciaire, il se trouvait justement être le supérieur hiérarchique direct de la capitaine Bonamy que la cour a entendue dans les premiers jours du procès, puisque c’est elle qui a diligenté l’enquête sur le meurtre de Jacques Bino… Pour ses bons services, elle a d’ailleurs été promue au rang de commandant.

Cette manipulation n'était pas la seule que je devais dénoncer ce jour-là... 
(à suivre)



FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

Procès Ruddy Alexis à Paris - 6ème jour

vendredi 11 avril 2014

Procès Ruddy Alexis à Paris - 5ème journée : "Un profil psychopathique"

Une équipe renforcée
 
Après un week-end qui aura permis à tous ceux venant de Guadeloupe de récupérer un peu de la fatigue engendrée par les six heures de décalages horaires, le procès peut reprendre. Maître Daninthe, avocat guadeloupéen de Ruddy Alexis et maître Edmond-Mariette, avocat martiniquais et ancien député ont rejoint leurs confrères maîtres Démocrite et Mirabeau. 
Maître Philippe Edmond-Mariette (photo Frédéric Gircour)

Un kit de nettoyage et une cartouchière


La journée commence par un interrogatoire en bonne et due forme de Ruddy. C’est la partie civile qui commence avec une série de questions sur les faits qui ont précédé le moment où Ruddy et les quatre qui sont venus avec lui se séparent. Il refait la chronologie de cette soirée pas comme les autres. La partie civile veut aussi savoir comment il explique la présence d’un kit de nettoyage chez lui alors qu’il affirme ne pas avoir d’arme. Il avait déjà expliqué avoir possédé un fusil à plombs et redit qu’il l’a vendu il y a longtemps, sans cet accessoire qu’il a ensuite oublié de jeter. A la même époque, il reconnaît avoir possédé une cartouchière. « J’ai dû la donner à quelqu’un, je ne sais plus à qui. »



Eroll Nuissier et le LKP

     
                                           Errol Nuissier (source : touscreoles.fr)

Vient ensuite le témoignage d’Errol Nuissier, le très médiatique psychologue clinicien si farouchement anti-LKP, comme en témoigne par exemple cet extrait de la contribution qu’il a apportée au Congrès des élus de Guadeloupe : 


« Il nous semble que le mouvement social du premier trimestre de 2009 (mouvement LKP ) de par son jusqu’au boutisme, ses slogans et surtout son incapacité  à participer à la vie publique pour faire des propositions et participer à l’évolution des choses, a exacerbé d’une part la souffrance des relations interpersonnelles déjà présente dans le pays, a augmenté les incertitudes et les angoisses des populations les plus fragiles, a accru le mépris de nous-mêmes, a exacerbé le racisme et la xénophobie et au-delà de tout cela, a légitimé la libération sans contrainte, ni culpabilité, de la  pulsion de destruction présente chez tout être humain normalement constitué. En effet, il nous a appris à nous haïr nous-mêmes, à cracher sur nos élus, sur nos chefs d’entreprise, sur les gens qui sont représentatifs de ce pays et à défier tout ce qui venait de la France. »
 


Errol Nuissier et Ruddy Alexis


C’est avec la même retenue, la même subtilité qu’Errol Nuissier dépeindra Ruddy Alexis, le présentant comme quelqu’un ayant un « profil psychopatique ». Pour en arriver à cette conclusion, il aura suffi à monsieur Nuissier de réaliser un seul test : le controversé test de Rorschach où l’on doit dire ce qu’évoquent des tâches d’encre symétriques sur toute une série de planches. De ce test, le psychologue déduit que l’imagination de Ruddy est extrêmement faible, qu’il manque d’empathie, qu’il a besoin de transformer son image. Il souligne aussi une difficulté avec la rationalité et conclue donc avec ce diagnostic : « profil psychopatique ». 

 
L’interprétation des résultats d’un second test vient, toujours selon le psy, grossir le trait : le test de Rosensweig, dit « test de frustration ». Ce test se compose d'un livret contenant vingt-quatre situations frustrantes ou conflictuelles. Il est présenté sous forme de bandes dessinées. La personne qui réalise le test doit répondre aux questions. J’ai trouvé cet exemple de question sur internet :

« Un automobiliste s'excuse de vous avoir éclaboussé, que répondez-vous? »

Je sais que ce n’est pas moi qui ai à y répondre mais il me semble pourtant que si tel était le cas, ma réponse pourrait varier énormément selon mon humeur du moment. A plus forte raison si, en prenant un exemple totalement au hasard, on me jetait en prison en m’accusant d’un meurtre que je n’ai pas commis, et si, toujours par exemple on me soumettait au très dur régime psychologique de l’isolement. Par bonheur, je ne suis ni dans cette situation, ni sommé de répondre à cette question ; je n’ai donc pas à répliquer que je ferais probablement manger son volant au conducteur. Revenons aux interprétations qu’Errol Nuissier tire des réponses faites par Ruddy à ce test :

Ruddy éprouve une très grande difficulté pour ce qui touche à la reconnaissance de la responsabilité. Il pourrait parfaitement passer à l’acte quand il est en situation de victime. Il gère difficilement la frustration et peut facilement faire preuve de violence.
 


Les questions de la défense


Les avocats de la défense l’interpellent quand vient leur tour de l’interroger :

« -              Monsieur Nuissier, combien de temps avez-vous passé          auprès de Ruddy ?

-          Environ une heure.

-          Pensez-vous qu’on puisse définir la personnalité de quelqu’un de façon aussi arrêtée que vous le faites en seulement une heure ?

-          C’est le temps que requièrent ces tests. »

« Si j’ai bien compris ce que vous nous dites, poursuit maître Mirabeau, il y aurait deux Ruddy Alexis : un qui cherche à se valoriser, à se faire valoir et un psychopathe. On connait tous le premier Ruddy, celui qui présente bien, où est selon vous le psychopathe, où est le monstre ? Je ne sais pas, bat-il ses enfants, maltraite-t-il sa compagne ? »

La contre-expertise réalisée par son confrère, monsieur Jacquet, étonnamment entendu par la cour avant la première expertise, ne retiendra d’aucune façon le caractère psychopathique, même si les deux se retrouvent sur le manque d’empathie supposé de Ruddy.
A la théorie de monsieur Jacquet sur son supposé manque d'empathie, maître Démocrite avait déjà opposé la réalité des faits : comment M. Jacquet explique-t-il que Ruddy aide régulièrement les personnes âgées de la cité Henri IV en organisant des sorties avec elles au sein de l'organisation la Tyrolienne ? Comment explique-t-il par exemple qu'il ait donné toutes les coupes sportives qu'il a gagné à cette même association ? Comment explique-t-il que tous, comme l'a rappelé l'enquêtrice de personnalité, s'accordent à dire que Ruddy est toujours prêt à rendre service ? Si tout ça, ce n'est pas de l'empathie, alors qu'est-ce que c'est ? 




Deux hommes



Vient ensuite le témoignage de Nébor Bernard, qui le soir du meurtre, se trouvait chez son amie, domiciliée cité Henri IV. Personnage haut en couleur, monsieur Nébord se présente tout vêtu de blanc. Quand le président s’enquiert de savoir quel est ce livre qu’il distingue sur l’écran de la visio-conférence, Nébord lui répond qu’il est venu avec sa bible pour jurer dessus. Monsieur Nébord déclare avoir vu deux personnes, le tireur et un autre homme derrière lui qui a désigné sa cible au premier. Le tireur épaulait son arme du côté gauche, précise-t-il comme plusieurs témoins dans ce dossier. Il se trouve que Ruddy Alexis est droitier. "Ça ne pouvait être que des militaires, c'était trop bien fait", affirme-t-il. Il raconte comment la BAC a voulu l’obliger à dire que le tireur est celui qui se trouve aujourd’hui dans le box des accusés. « Moi, je voudrais me débarrasser de cette affaire et ne plus jamais être convoqué ! » lâche-t-il en guise de conclusion.



La BAC à la barre


Deux policiers de la BAC, messieurs Ardoyal et Cloque se présentent eux en chair et en os à la barre. Ardoyal commence par expliquer que si la grève a duré 44 jours, il y a eu trois jours véritablement très durs pour eux : les 16, 17 et 18 février 2009. Ils expliquent avoir essuyé des tirs de plombs mais n’avoir jamais perdu leur sang-froid. « Ce soir-là, il y avait des scènes de pillage, nous étions au four et au moulin » Il précise aussi que les balles brennekes dont ils disposent ordinairement leur avait été retirées antérieurement : "Au début de la grève, nous avions des brennekes puis le directeur nous a demandé de les remplacer par des balles non-létales". Le témoignage de Christian Cloque diffèrera assez peu de celui de son collègue. Il précise concernant cesoir-là : nous avons commencé notre service à 21h00 dans deux voitures. La circulation était très difficile sur notre zone, Pointe-à-Pitre, Abymes, Gosier. Il y avait des barrages partout. « Les jeunes ont pensé que ces barrages auraient empêché la police d’intervenir, ils s’en sont donnés à cœur joie. »

                                                       © Fabrice ANTERION / MAXPPP

Concernant les brennekes qu’ils ont rendues, ils seront incapables d’expliquer si ça s’est fait selon un protocole particulier, si un document a été établi pour notifier leur remise. Impossible donc de savoir quelle procédure a été suivie, ni même s’il en reste la moindre trace écrite pour attester de sa véracité.



La rédaction (un grand merci à Alex)

Procès Ruddy Alexis à Paris - 4ème jour

Procès Ruddy Alexis à Paris - 3ème jour

mardi 8 avril 2014

Procès Ruddy Alexis à Paris - 2ème jour (suite et fin) L'esprit des arts martiaux



Le bras de fer 

A la reprise de l'audience, maître Mirabeau, qui en a profité pour consulter le bâtonnier des avocats de Paris pendant la suspension, déclare se dessaisir de l’affaire puisqu'on ne lui donne pas les moyens de défendre son client. Le président ne l’entend pas de cette oreille : il le désigne aussitôt comme avocat d’office. Fort  de ce nouveau statut, Sanjay Mirabeau réitère la demande d’un renvoi de quelques jours afin de pouvoir étudier un minimum le dossier :
« Je vais découvrir le dossier comme les jurés et je n’aurai rien à leur apprendre » proteste-t-il, ce qui a l’heur d’agacer Régis de Jorna, le président : 
« Les avocats qui connaissent le dossier prennent la responsabilité de laisser Ruddy seul face à une cour d’assise » lui répond le magistrat, tout en ajoutant que la désignation d’office n’empêche en rien « la venue des autres avocats dès le lendemain matin, s’ils le souhaitent. » Le matin même, il avait pourtant affirmé le contraire. Maître Mirabeau, exaspéré devant ce qu'il estime être une atteinte aux droits de la défense, prend alors la direction de la sortie mais le président de Jorna le rappelle fermement : 
« Maître, votre place est ici !». 
Il va jusqu’à le menacer de sanctions disciplinaires s’il franchit le seuil de la porte de la salle d’audience. 
« Vous restez et vous vous taisez si vous ne voulez pas lui parler » lui assène-t’il encore. L’avocat de la défense obtempère et regagne sa place.


Les arts martiaux

Contrairement au premier procès où Ruddy Alexis avait été entendu seulement une bonne semaine après le début des débats, c’est lui que le président souhaite entendre le premier. Cette première journée va tourner autour de sa personnalité et de ses antécédents judiciaires. C’est monsieur de Jorna qui conduit l’interrogatoire. Il commence par l’interroger sur sa pratique des sports de combat. Ruddy est quelqu’un de très sportif qui a longtemps pratiqué différents arts martiaux comme le viet vo dao. 


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 Le viet vo dao, art martial vietnamien

L’accusé désarçonne par ses réponses, énoncées posément et dans un français impeccable. Alors que le président l'attend peut-être sur le terrain de la violence, il explique calmement : 
« la philosophie des arts martiaux, c’est d’abord se vaincre soi-même, savoir contenir ses émotions ». 
Il dément en revanche avoir une passion pour les armes, ni même en posséder. Le président lui oppose alors les trois condamnations dont il a fait l’objet entre 1994 et 1998 pour violence à main armée. « Dans un quartier aussi difficile qu’Henri IV, il faut se faire respecter » tente-t-il d’expliquer avant d'ajouter qu’il a totalement changé de vie depuis qu’il a rencontré sa compagne et choisi de fonder une famille. De fait, maître Mirabeau rappelle que malgré cette jeunesse tumultueuse, il n’a plus fait l’objet de la moindre condamnation entre 2000 et 2009.


Les membres de la famille de Ruddy Alexis

La première personne à témoigner, depuis la Guadeloupe, par visio-conférence est la mère de Ruddy, Maguy Alexis, qui, à la question, quelle profession exercez-vous, répond « femme de ménage ». Visiblement intimidée, ses réponses sont très laconiques et le président se trouve contraint de faire plus ou moins les questions et les réponses. Elle se contente la plupart du temps de ponctuer les phrases du président par un « exact » ou par un « oui ». Elle explique tout au plus qu’à l’école Ruddy était plutôt timide mais qu’il ne fallait pas le contrarier, ce que confirmera un peu plus tard son beau-père, l’homme qui l’a élevé. Son père, également entendu, n’apprendra pas grand-chose aux jurés, puisqu’il ne l’a pas vu grandir. A la question de savoir s’il aimait les armes, le beau-père répond :
«-  Oui, il aimait les armes ».
- L’avez-vous déjà vu avec une arme à feu, l’interroge alors l’avocat général, Philippe Courroye.
- Oui, un fusil à plomb, quand il était jeune. », ce que confirmera sans difficulté Ruddy Alexis.


Une personnalité impulsive ?

Le président lit ensuite le rapport de l’enquêtrice de personnalité, madame Vermorel, qui est empêchée. Ce rapport est franchement positif. Mme Vermorel le présente comme quelqu’un d’aimant, s’occupant bien de sa famille, toujours prêt à rendre service.

Au terme des premiers témoignages livrés par ses proches, la partie civile reprend :
« Monsieur Alexis est calme mais il ne faut pas le chercher ». Ruddy, mis en demeure de dire ce qu’il pense de cette assertion commence par reconnaître ses erreurs de jeunesse et répond :
 « la maîtrise de soi ne s’acquiert pas rapidement, c’est la pratique des arts martiaux qui m’a permis d’acquérir cette philosophie. »
La partie civile enchaîne :
« - Votre beau-père nous a affirmé que vous aimiez les armes.
-          Oui, les armes dont il parle, ce sont celles enseignées dans les arts martiaux, par rapport à ma pratique sportive. »
Le beau-père n’aura pas l’opportunité de préciser sa pensée, son passage par visio-conférence étant terminé… 

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 Les armes traditionnelles utilisées dans la pratique du viet vo dao (source : http://www.vietvodao-thanhlong.fr/les%20armes.html)

En fin d’après-midi, c’est au tour de maître Mirabeau d’interroger son client. Ruddy lui explique être revenu à la religion catholique, il développe l’importance que revêtent pour lui le bénévolat et la charité et d’expliquer son engagement associatif. Avec une gêne certaine, il explique avoir terriblement souffert du décès de son petit-frère, mort du sida après des années de déchéance physique, à se droguer, se prostituer, etc. «Pour lui le décès de Didier a été un tournant, revient maître Mirabeau, il l’a vécu comme un terrible échec.»

La rédaction (un grand merci à Jean-Marc)