vendredi 30 novembre 2012

Video de la libération de Ruddy Alexis après son acquittement


Une exclusivité Chien Créole

Procès Bino - 8° Ruddy Alexis s'explique sur les faits


Zen 
Une attitude calme et sereine, une tenue irréprochable, Ruddy Alexis fait incontestablement preuve de beaucoup de sang froid, tout au long de ce procès, y-compris dans les moments tendus comme celui où Zenon, le regardant dans les yeux, affirme sans sourciller que c'est lui qui a tué Jacques Bino (1). D'une voix posée, il va répondre à toutes les questions qui lui seront posées, rappelant qu'il a toujours clamé son innocence, allant jusqu'à effectuer deux grèves de la faim dont une de 27 jours, pour protester de son innocence et dénoncer ses conditions de détention. Il expliquera que les deux ans qu'ont duré sa mise à l'isolement (2), on ne l'autorisait même pas à voir sa famille. Peut-être le parquet qui lui imposait ces conditions inhumaines soi-disant pour sa propre sécurité craignait-il que sa fille de 3 ans ou que sa mère n'essaye de le trucider lors d'une visite ? Après tout maître Patrice Tacita a bien demandé à Ruddy pendant les questions de la partie civile s'il laissait sa fille tirer avec des armes à feu sur sa propriété...

Ruddy Alexis - Photo FG

Un jeune fou de haine ? 
 
Après avoir vainement tenté de se rendre sur Baie-Mahault et sur le Gosier, ils rentrent sur Bergevin, un quartier attenant à la cité Henri IV. Il précisera ensuite certains points que plusieurs témoins confirmeront. A savoir, pour commencer, qu'une fois garé sur la cité Bergevin, attenante à celle d'Henri IV, il écoute la radio dans la voiture avec Harris, pendant que les autres sont montés chez eux pour se changer. Lorsqu'il les voit revenir en tenue sombre, le visage masqué par des bandanas ou des t-shirts, alors que selon lui, ils étaient juste venus voir ce qui se passait, il leur dira : "poukoi zot ka baré tèt a zot ?" (pourquoi vous vous masquez le visage). Il dira aussi que Zenon sera le plus réticent à retirer son bandana, ce qu'il refusera d'ailleurs de faire. Quand le président lui rappelle les témoignages de ceux qui l'accompagnaient et qui disent l'avoir reconnu quelques instants plus tard camouflé de la tête aux pieds, il répond:
"Je me vois mal leur dire de retirer leur bandana et aller me camoufler derrière, c'est absurde !" 
qu'en arrivant sur la cité Henri IV, il a été saluer un policier qui semblait ne pas être en service mais qui habite cette cité et qu'il a reconnu, "je le connais du foot et du basket". Ils sont restés à discuter pendant une quinzaine de minutes, ce qui égratigne la version de l'accusation pour qui Ruddy serait arrivé plein de haine avec l'intention de casser du flic... 


Timing

A partir de là, il affirme ne plus s'être occupé des autres, lui n'étant pas venu dans l'intention de casser. Il discute encore un peu avec quelques jeunes, s'approche du boulevard Légitimus mais croise une trentaine d'individus cagoulés et armés et décide alors de regagner son véhicule et de rentrer chez lui, il est entre 23h00 et 23h30Il explique avoir mis un certain temps pour atteindre son domicile de Petit-Bourg, à cause de la profusion des barrages, "certains quasi-infranchissables, sauvages, tenus par des jeunes très excités." Il prétend enfin être rentré entre minuit et minuit trente. Au total il affirme avoir passé environ une heure sur place.


Détails... 

On lui demande comment il était habillé ce soir-là : 
"- Je portais un Tshirt bleu clair et un jean's style baggy
- Votre T-shirt, était-il à manches courtes ou à manches longues ?
- A manches courtes."
Rappelons que Forbin prétend lui avoir reconnu Ruddy Alexis aux longues manches grises de son polo qui dépassaient de sa veste militaire. De la même manière, alors que plusieurs témoins affirment que le tireur a épaulé son fusil du côté gauche, le fait que Ruddy soit droitier jettera un peu plus le trouble sur les certitudes de l'accusation. 

 FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

  1. A ce sujet, relire Les deux cousins 
  2. Il est très exceptionnel qu'un détenu passe autant de temps à l'isolement, c'est tout sauf anodin : au-delà de 9 mois, c'est le garde des sceaux en personne qui doit tous les 3 mois signer l'ordre de son maintien à l'isolement. 

jeudi 29 novembre 2012

Procès Bino - 7° Chien Créole à la barre


Votre humble serviteur et accessoirement auteur de ces lignes a lui aussi été cité à comparaître comme témoin pour l'enquête que j'ai menée sur cette affaire et qui fait l'objet d'un chapitre entier dans le livre que j'ai coécrit avec Nicolas Rey. 

 Disponible sur www.syllepse.net (double cliquer sur l'image pour pouvoir lire la 4ème de couverture)

Entre mon intervention et les questions qui m'ont été posées, j'ai parlé pendant plus de deux heures. J'ai ainsi pu exposer le résultat de mes recherches et questionner sérieusement l'enquête officielle. Afin de ne pas être répétitif auprès de mes lecteurs les plus fidèles, je vous renvoie à ce chapitre que j'ai (gracieusement) mis en ligne en sept parties : 

Les faits 
Fausses pistes 
Ruddy Alexis  
Les charges contre Ruddy Alexis  
L'affaire Lautric, une affaire étouffée ? 
2 SMS d'une importance inégale  
Du grand délire  

FG (chien.creole@gmail.com)

Procès Bino - 6° Patrice Harris : "Les policiers ont modifié mes déclarations"


"Vous vous moquez de la cour !"

Patrice Harris est le demi-frère du boxeur Jean-Marc Mormeck, athlétique, de belle prestance, il est cité à comparaître comme témoin. Ami de Ruddy Alexis, il était, comme Horn, Prudon, Forbin et Zenon avec lui en début de soirée, sur la cité Henri IV, le jour où Jacques Bino a été tué. Il n' a pas fini sa déclaration que le président du tribunal Fagalde l'interrompt, visiblement outré, pour lui demander s'il se moque de la cour. Il reproche vertement au témoin de donner une toute autre version de celle qu'il avait livré aux enquêteurs lorsqu'il a été entendu et menace de le poursuivre pour faux-témoignage ce qui entraîne une vive réaction de la défense : "tous les témoins ont changé de version, et plusieurs fois encore" et de dénoncer la différence de traitement entre Harris et les autres. Le président se ressaisit et entreprend alors de lui lire ses déclarations telles qu'elles ont été enregistrées dans le dossier. Le témoignage est effectivement accablant pour Ruddy Alexis, mais à sa lecture, Harris ne cesse de s'indigner, de s'offusquer, affirmant chaque fois qu'on lui demande s'il reconnait avoir dit ça, qu'on a transformé ses propos, que "les policiers ont rajouté des choses".


Juste un point de détail
En réalité, la version donnée aujourd'hui par le témoin n'est pas si éloignée de celle lue par le président, à un détail prêt, mais de taille : Harris affirme avoir simplement reconnu que le tireur qu'il a vu sur le boulevard Légitimus était de même corpulence que Ruddy. Dans le PV d'audition, cela devient, lorsqu'il parle du tireur : Ruddy était habillé de telle façon, Ruddy a tiré en direction de, etc. Il dit et répète à l'envi que pour cet épisode, il a effectivement parlé d'un tireur, mais sans jamais avoir désigné Ruddy Alexis nommément. On lui montre sa signature et il confirme que c'est bien la sienne, mais avoue avec une certaine gêne : 
"Comme je lis très lentement, les policiers me disaient de signer là." 

De bien curieuses pratiques 
Les avocats de la partie civile lui opposent qu'il n'était pas seul, son avocate l'accompagnait, notamment lorsqu'il a maintenu ses déclarations devant le juge instructeur. Patrice dénonce alors le fait que son avocate, commise d'office, lui réclamait pour continuer à faire son travail, 3200 euros, arguant du fait que le dossier d'instruction était particulièrement dense. Nous qui pensions naïvement que le scandale des dépassement d'honoraire ne concernait que les spécialistes style chirurgien, on découvre avec étonnement que cela pourrait concerner aussi certains avocats commis d'office... Harris affirme avoir plusieurs courriers en sa possession qui confirment ses dires. Le président embarrassé, lui demande de se reconcentrer sur l'affaire et de cesser de parler de Maître Haribo. Harris obtempère, mais les avocats de la défense brandissent un papier figurant au dossier, qui spécifie que lors de l'audition de Patrice Harris par le juge à laquelle la partie civile vient de faire allusion, son avocate a déclaré se sentir mal et a quitté les lieux, laissant donc seul son client. Ils présentent également un autre PV d'audition où déjà Harris se plaint auprès du juge qu'en découvrant certaines de ses déclarations avec cette même avocate, il s'est rendu compte qu'on lui prêtait des propos qui n'étaient pas les siens...


Des méthodes douteuses ?

L'épisode de la providentielle rature le lendemain sur la déclaration de Bernard Nébord (1) viendra encore semer un peu plus le doute sur la façon dont cette enquête a été menée. Dans un autre style, la compagne de Ruddy Alexis, secrétaire de profession, ne pourra contenir ses larmes à la barre lorsqu'elle expliquera les pressions qu'elle a subi, notamment pour modifier selon ses dires, l'heure à laquelle Alexis est rentré ce soir-là. 

(Gladys Rosbeef, compagne de Ruddy Alexis - Photo FG)

 On l'a placée en garde-à-vue, elle et sa fille alors âgée de trois ans ! "On n'a pas cessé de me dire qu'on allait me retirer ma fille, qu'on la placerait à la DDASS, que je suis une mauvaise mère. C'est la capitaine Bonamy qui m'a le plus dit ces choses-là. On m'interrogeait en présence de ma fille, elle ne comprenait pas ce qui se passait, elle demandait "pourquoi vous cherchez mon papa ?"

FRédéric Gircour (chien-creole3.blogspot.com)

  1. A ce propos, lire : La taille, ça compte !



lundi 26 novembre 2012

Procès Bino - 5° Le juge, l'avocat général et les avocats de la défense


Les avocats de la défense(1) ont, à plusieurs reprises, protesté contre la façon dont les débats étaient menés. Le président du tribunal, Pierre Fagalde a même, au quatrième jour, signifié son agacement sur le fait que la défense l’ait mis en cause à plusieurs reprises. Le lendemain, en ouverture d’audience, maître Démocrite voulant selon ses dires dissiper tout malentendu, rappelait son respect pour la personne et la fonction du président et pour la cour, expliquant que ses observations étaient motivées par la seule volonté de garantir la manifestation de la vérité. 


L’oralité des débats

A ce stade du procès, on retiendra surtout deux échanges assez vifs : le premier lorsque maître Démocrite a exprimé son malaise face à la façon dont le président procédait à l'interrogatoire de Forbin, un des jeunes qui accompagnaient Ruddy Alexis le soir des faits. En effet M. Fagalde se contentait de lui lire ses déclarations, préalablement faites devant le juge d’instruction, le témoin n'ayant plus alors qu'à acquiescer. Cette façon de procéder ne peut que nuire à l’oralité des débats, pourtant fondamentale dans un procès d’assises. Il est nettement préférable, du moins est-ce l’usage, d’interroger le témoin, et si les réponses ne correspondent pas aux déclarations faites préalablement, alors là oui, de les lui lire, pour l'obliger à se positionner face à ses contradictions. C’est ce qu’ont expliqué les avocats de Ruddy Alexis, qui ont été entendus, puisque le président a par la suite respecté cette façon de faire.


Clash

En revanche, deux jours plus tôt, cette même défense n'a pas obtenu gain de cause lorsqu'elle a énergiquement protesté contre le fait que la commandante Isabelle Bonamy de la Police Judiciaire, qui a dirigé l'enquête soit entendue sans qu'il soit possible de l'interroger dans la foulée. Le président du tribunal avait en effet estimé qu'il était tard et que la défense pourrait poser ses questions le lendemain. Pour cette dernière, cette façon de faire porte là encore atteinte à l'oralité des débats. Constatant qu'ils n'étaient pas entendus, les avocats de Ruddy Alexis ont choisi de quitter l'audience en signe de protestation. Refusant de céder à la pression, le président a décidé de poursuivre, laissant la commandante Bonamy s'exprimer sans la présence des avocats de la défense. Cette déposition à la barre était pourtant capitale dans ce procès.


Un avertissement

Pire, le parquet a joué dans la surenchère en la personne de l'avocat général(1), Camille Tardo-Dino, qui s'est exprimé sur l'antenne de Guadeloupe 1ère le soir même. Il a en effet expliqué que le fait que les avocats de la défense aient abandonné leur client ne remettait pas en cause la poursuite du procès, citant la jurisprudence de l'affaire Ferrara dans l'hexagone, avant d’ailleurs de se targuer d’avoir déjà procédé ainsi dans cette même cour d'assises l'an dernier avec Hans Peterson. Le prévenu avait récusé son avocat ce qui n’a pas empêché la cour d'aller au bout du jugement.

 L'avocat général Camille Tardo-Dino - Photo FG (archive)

Le parallèle avec cet épisode auquel M. Tardo-Dino fait allusion sans rougir [voir l’encadré ci-dessous] n’avait cependant pas lieu d’être, car en réalité, il n’a jamais été question que les avocats de la défense renoncent à représenter leur client. Comment interpréter alors cette fanfaronnade du parquetier dans les médias, dramatisant à souhait, si ce n’est comme un avertissement pour les avocats de Ruddy Alexis, leur signifiant qu’ils auront beau s’agiter, rien n’ébranlera la détermination du parquet à faire  condamner Ruddy Alexis, avec ou sans la défense. Une façon de montrer ses muscles dans une affaire tendue…


Le bon mot de maître Diallo

Il faut, ceci étant dit, reconnaître au président Fagalde qu’il sait aussi faire preuve d’honnêteté intellectuelle, posant parfois des questions pertinentes que la défense aurait pu elle-même poser, s’étonnant notamment que Prudon, un autre jeune qui accompagnaient Ruddy Alexis en début de soirée, le jour des faits, et qui porte un certain nombre d’accusations contre lui, ait produit des témoignages de plus en plus précis, de moins en moins évasifs, au fur et à mesure des auditions, alors que c’est généralement l’inverse qui se produit. Et puis il y a eu cet épisode mémorable au moment où, après avoir livré mon témoignage, la parole a été donnée aux avocats de la partie civile. Voulant remettre en cause mes propos, maître Diallo m’a interpelé pour me demander si j’ignorais qu’on avait retrouvé des balles brennekes devant le magasin Saudelec. Le président est alors intervenu pour lui signaler que ce n’était pas exact, que ça ne figurait pas dans le dossier. Stupéfaction de maître Diallo qui sans réfléchir s’exclame « mais monsieur le Président, c’est pourtant ce que Mme Bonamy a affirmé hier ! ». Réaction toute aussi spontanée des avocats de la défense, levant les bras au ciel pour dénoncer le résultat du fait qu’elle ait, malgré tout, été entendue en leur absence, et donc sans grand danger d’être contredite sur des points aussi fondamentaux…

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

(1)   Les avocats de la défense sont : maître Démocrite, maître Plumasseau, maître Daninthe et maître de Russy
(2)   L’avocat général représente ici l’Etat, puisqu’il dépend directement du procureur, lequel dépend du ministère de la justice. La (CEDH) Cour Européenne des Droits de l’Homme dénonce d’ailleurs cette entorse à la séparation des pouvoirs, reprochant au parquet à la française, le fait d’être totalement inféodé au pouvoir exécutif…  







D’UN PROCÈS À L’AUTRE

J'ai suivi à l'époque pour Chien Créole le procès Hans Peterson (1), un procès hors-norme, et je tiens à rappeler ici son épilogue peu glorieux. 

Ce jeune Franco-états-unien, était jugé, souvenez-vous, pour l'assassinat de son dermatologue quatre ans après que celui-ci lui eut prescrit un médicament contre l'acné, l'Accutane dont on sait qu'il peut provoquer comme effet secondaire de graves troubles psychologiques conduisant notamment au suicide. On reprochait à Hans Peterson d'avoir porté à sa victime pas loin de 70 coups de couteaux après avoir vainement tenté de lui couper les mains et les pieds avec une scie à métaux... Un crime tellement horrible qu'il n'est pas nécessaire d'être expert psychiatrique pour se rendre compte qu'il n'est pas le fait d'une personne sensée, pour employer un doux euphémisme.

 Hans Peterson - Photo FG

 Son avocat, absolument persuadé de sa folie, a refusé de se rendre complice d'une « carnage»  judiciaire et a donc décidé d'expliquer à la cour pourquoi il estimait que son client était fou et pourquoi, étant fou, il n'était pas en mesure de juger seul de son état mental (les experts psychiatres se partageaient alors entre l'abolition du discernement pure et simple et son altération, mais l'avocat général de l'époque, Camille Tardo-Dino, le même que dans l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui, avait dans son plaidoyer expliqué longuement aux jurés que lui savait ce qu'était un fou et qu'Hans Peterson de toute évidence n'en était pas un...). Le jeune homme a alors dit qu'il préférait ne pas être défendu que d'être "défendu sur la base de mensonges". Selon sa mère avec qui j'ai pu m'entretenir, son fils, dans sa paranoïa aigüe, s'était persuadé que son avocat avait été acheté par la famille du dermatologue, afin qu'il soit placé en hôpital psychiatrique où il serait plus aisé de le faire kidnapper pour l'extrader clandestinement afin de le faire juger aux Etats-Unis... 

Le président, déjà M. Fagalde, comme dans le procès Bino, lui avait alors demandé s'il récusait son avocat et avait alors empêché ce dernier de s'exprimer une dernière fois devant la cour : "vous n'avez pas compris, maître, c'est terminé, vous pouvez rentrer chez vous." Au retour de la suspension de séance, Hans Peterson, sous camisole chimique depuis son incarcération, demandait si son avocat n'allait pas revenir (nous étions au dernier jour des débats), ce à quoi le président au lieu de lui proposer un avocat commis d'office, lui a signifié que non, qu'il l'avait récusé et qu'il devrait donc se défendre seul (2). Après la pause déjeuner, est venu le tour de la défense de déclamer son plaidoyer final, un plaidoyer dont tout un chacun connait l'importance dans ce genre de procès. C'est donc un Hans Peterson bredouillant qui s'en est chargé seul, s'excusant du manque de clarté de ses idées : "j'ai demandé entre midi et deux si on pouvait me donner du papier et un stylo pour ordonner mes idées mais ça m'a été refusé..." 

C’est cet épisode qui n’honore certainement pas la justice française, où les droits de l’accusé ont été bafoués, à laquelle l’avocat général se plait à se référer aujourd’hui… 
(2) Le procès en appel de Hans Peterson a commencé lui aussi ce 19 novembre 2012, mais cette fois-ci à la cour d’appel de Paris. Le même incident s’est produit, Hans Peterson récusant son avocate souhaitant plaider sa folie. L’attitude de la présidente du tribunal parisien a été toute autre que celle de son confrère de Guaeloupe, comme en atteste cet extrait d’un article du journal libération : 

« Pour la défense, en dépit des dénégations d'Hans Peterson, celui-ci est avant tout un malade mental dont la place n'est pas en prison. Plaidant en premier, Me Clémentine Perros a décrit le "délire" et "l'obsession" de l'accusé à l'égard du Dr Cornbleet. (…) Exprimant son désaccord avec les déclarations de son avocate, l'accusé a récusé son deuxième conseil, aussitôt commis d'office par la présidente Jacqueline Audax. "Vous ne décidez pas de tout",  l'avocat "peut être autre chose que le mandataire de votre parole", lui a lancé la magistrate. »
source : 23 novembre 2012, « Assassinat d’un médecin à Chicago, un Franco-américain condamné à 30 ans», Libération (http://www.liberation.fr/depeches/2012/11/23/un-franco-americain-condamne-a-30-ans-de-prison-pour-l-assassinat-d-un-medecin-a-chicago_862628
 

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Procès Bino – 4° La taille, ça compte !


La question de la taille du meurtrier de Ruddy Alexis va devenir un des axes importants de ce procès.

Agnés Dursus

C’est déjà une locataire de la cité Henri IV, Agnés Dursus, témoin oculaire des faits qui va faire une déclaration fracassante : pour elle, le tireur qui a tué le syndicaliste était grand, c’était d’ailleurs le plus grand de tous ceux qui étaient autour du barrage. Problème, Ruddy Alexis n’est pas grand, c’est même le plus petit des cinq amis arrivés ensemble ce soir-là. On le fait lever dans le box des accusés et elle est catégorique :
« Ça ne peut pas être lui !».

Un sketch

Vient ensuite l’épisode rocambolesque de l’audition de M Bernard Nébord, un autre locataire de la cité Henri IV, lui aussi témoin oculaire du meurtre qui commence par dénoncer les pressions et manipulations qu’il dit avoir subi de la part des enquêteurs. A la barre, il parle d’un tireur d’1,80 m. Le juge s’en émeut, lui rappelle que dans son premier PV d’audition, il parlait d’un tireur d’1,60 m ! Il parvient à lui faire dire que le tireur mesurait peut-être 1,75 m. C’est l’avocat général, Camille Tardo-Dino qui prend la relève :
« M. Nébord, entre 1,75 m et 1,72 m, c’est quasiment la même chose ?», Nébord acquiesce, le parquetier enhardi poursuit :
« Et entre 1,72 m et 1, 70 m, il n’y a pas vraiment de différence non plus ?
– Non, non.
- Vous conviendrez donc qu’il pouvait très bien mesurer 1,70 m ?
- Euh oui, je suppose… »
 Source internet


Convenons avec lui qu’avec cette belle démonstration de sophisme, M. Tardo-Dino aurait pu aller jusqu’à 1,10 m, mais visiblement, il ne souhaitait pas que le tireur fût si petit.


Un détail embarrassant

Lorsque le tour des avocats de la défense est arrivé, ils ont produit un document manuscrit figurant au dossier : le PV d’audition de M. Nébord, entendu chez lui. Ils font constater à la cour que le chiffre indiquant la taille, a été raturé et qu’on a rajouté par–dessus « 1,60 m »… 3 ans après, le témoin avoue ne plus être en mesure de se souvenir si la rature en question figurait sur le document au moment où il l’a signé… En revanche, les avocats de la défense font observer que le document final, tapé à la machine et qui ne fait naturellement pas état d’une quelconque rature, n’a été signé que par les policiers, pas par le témoin, lui ôtant toute valeur juridique et induisant l’idée d’une enquête bâclée, si ce n’est malhonnête…


FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

Procès Bino – 3° Les deux cousins


L’insistante rumeur

Après Prudon et Horn, Patrice Forbin apporte un témoignage un peu plus précis : lui aussi a reconnu Ruddy à sa démarche, à sa voix et à sa corpulence, mais qui plus est, il est formel : il a reconnu les manches de son polo gris qui ­­­­­dépassaient de sa veste. Une veste qu’il disait kaki dans ses déclarations précédentes, devenue grise aujourd’hui, mais pour sa défense, il faisait nuit et il y avait très peu d’éclairage… Il s’embrouille ensuite sur plusieurs détails comme la taille de l’arme. Les avocats de la défense lui lisent un extrait de PV d’audition, il est alors entendu par la capitaine Bonamy :

« - Je pense que c’est lui.
          -      Pourquoi dire aujourd’hui "je pense" alors qu’hier vous     
           disiez "c'est lui" ?
      -          Parce que la rumeur dit ça. »


source : http://www.dorotheedanedjo.com

Le même homme

Néanmoins Forbin est celui qui fait le lien entre le tireur du boulevard Légitimus, et celui qui, quelques minutes plus tard, tirera sur Bino. Pour lui pas de doute, il s’agit de la même personne. Titillé par les avocats de la défense, il maintiendra avoir reconnu formellement Ruddy Alexis passant devant lui, totalement camouflé, après avoir tiré sur le boulevard Légitimus mais reconnaîtra l’avoir perdu du regard et avoir supposé que c’était le même qu’il allait d’abord entendre puis voir agenouillé, en train de tirer, quelques 110 mètres plus loin. Cependant et de son propre aveu, ce soir-là, plusieurs jeunes étaient habillés comme lui.



Toute la vérité

Son cousin, Didier Zenon,  qui affirme être resté à ses côtés, et qui témoigne un jour après les autres n’en démord pas : non seulement il a reconnu formellement Alexis malgré sa tenue de camouflage, mais contrairement à son cousin, il ne l’a pas perdu une seconde des yeux entre le moment où il est parti se changer, celui où il a tiré sur le boulevard Légitimus, celui où il est repassé juste devant lui et son cousin et le moment où il allait ouvrir le feu sur la Fiat Punto de Jacques Bino. À se demander s’il n’était pas amoureux de Ruddy… Il reproche aux trois autres de ne pas assumer, de ne plus vouloir dire la vérité. En tout cas, lui, dira toute la vérité, et si ça doit lui attirer des représailles, « on verra ça après ».


Un témoignage singulier

Malheureusement pour l’accusation, son témoignage se révèle, disons, très original. Quand tous les témoins, y-compris les voisins affirment que le meurtrier de Bino portait une cagoule noire,  avec des trous pour les yeux, lui seul parle d’une sorte de foulard vert, bouffant, qui ne lui aurait couvert que la moitié du visage. Il est incapable de donner plus de précision sur ses vêtements, si ce n’est qu’il portait une tenue de camouflage. Quand tous parlent d’un homme d’1,80 m placé juste derrière le meurtrier de Jacques Bino et qui lui aurait désigné sa cible, lui prétend que le tireur était seul. Ami de longue date de Ruddy selon ses premières déclarations, il affirme à la barre qu’il ne le connaissait que de vue. Il précise par ailleurs sans sourciller qu’il l’a entendu crier « voici la BAC ! » et reconnu sa voix. Souci : selon les enquêteurs, il a réussi ce tour de force à quasiment 110 mètres de distance alors qu’au moins une centaine de jeunes se trouvaient juste devant à encourager les casseurs qui s’en prenaient entre autre, au rideau de fer de la bijouterie Tout l’or du monde… Poussé dans ses retranchements par les avocats, il concèdera ne pas l’avoir vu se changer. Tout au plus l’a-t-il vu se diriger vers le parking où il avait garé sa voiture et vu arriver ensuite un homme de sa corpulence en tenue de camouflage et armé, il en a alors déduit qu’il s’agissait du même…


Antécédents

Comme son cousin Forbin qui a été condamné avec sursis par le passé pour avoir tiré sur une voiture au 22 long rifle, Didier Zenon est obligé de reconnaître aux avocats de la défense qu’il a lui été condamné à 8 mois avec sursis pour vol avec violence, une peine qu’il n’accomplira donc que s’il est convaincu de nouveaux faits délictueux. Au regard de cette information, l’une de ses déclarations à la barre, qu’il a faite tout seul, sans que personne ne lui en parle, peut se révéler intéressante :

« J’ai appris que Philippe Horn m’accusait d’être en train de casser avec lui. J’aimerais qu’on m’explique comment j’ai pu faire pour être en train de casser avec lui alors que je n’ai pas bougé de l’abri-bus !»

Et voilà comment, incidemment, on apprend que son témoignage se révèle être aussi l’alibi qui lui permet d’échapper à la prison…

FRédéric Gircour (chien.créole@gmail.com)